La poule de luxe

Je suis une poule de luxe. Je m’assume, c’est comme ça. J’aime la bonne bouffe, j’aime mettre des petits tailleurs pour le travail, j’aime les spas nordiques et me faire masser pendant des heures. Du coup, quand les copines m’ont proposé d’aller en camping, elles avaient quelques inquiétudes à mon sujet. Moi-même, je me demandais si j’allais aimer ça. J’ai déjà fait du camping avec Superpapa et les potes, mais je n’y ai jamais pris goût. Premièrement, j’ai le dos fragile, alors le sol rocailleux ce n’est pas génial. Superpapa a acheté un matelas gonflable pour m’accommoder. Deuxièmement, je n’avais jamais un bon sac de couchage. Nous avons remédié à cette situation aussi. Ensuite, je n’aime pas avoir froid ou être humide, alors je fais toujours la demande pour que notre site soit proche des toilettes et douches. Bon, vous le voyez bien, je suis une poule de luxe. Cela dit, on ne refuse pas l’occasion de passer une fin de semaine juste avec les copines. J’ai accepté et je me suis préparée au pire (et elles aussi d’ailleurs).

Elles furent très surprises de me voir bien m’acclimater à notre fin de semaine. J’ai allumé notre feu que j’ai fait en forme de tipi. J’ai pris dans mes mains monsieur crapaud gluant, parce qu’il était au milieu du chemin et que je ne voulais pas qu’on l’écrase. Je me suis rafraichie dans le lac plein de têtards et au fond vaseux. Je voulais continuer la randonnée malgré la pluie et le vent. Et, sommes toutes, je ne râlais pas trop des petits désagréments que le camping amène (sauf pour les mouches et moustiques que je ne supporte pas). En fait, dans ma jeune jeunesse j’ai été un scout. J’ai donc un peu d’expérience dans le domaine du plein air. Évidemment, je ne suis pas prête à faire du camping en autonome, mais du camping sous la tente dans un de nos magnifiques parcs, je veux bien. D’ailleurs si vous avez l’occasion, nous étions aux Grands jardins, près du lac des cygnes à Baie-St-Paul, c’est de toute beauté. Charlevoix est carrément la plus belle région que j’ai visitée au Québec jusqu’à aujourd’hui.

Je voulais faire ce camping, entre autres, pour prouver que malgré que je sois une poule de luxe, je suis capable de faire ressortir le poussin sauvage en moi. Je voulais aussi me prouver que je pouvais aimer ça. Voyez-vous, Superpapa est un passionné de camping. Seulement, depuis qu’il est avec moi, il en fait moins, presque plus du tout. C’est dommage parce qu’il adore ça. Je me suis donc dit qu’il fallait que je le fasse pour lui. Que j’aille une belle expérience pour qu’en mai prochain je puisse lui dire que je veux qu’on en fasse avec P’tit Clown. Je sais combien les yeux de Superpapa deviennent brillants quand il part en camping. Dans le sous-sol nous avons tout son équipement qui n’attend que de sortir. Superpapa fait plein de petits trucs qu’il aime plus ou moins pour me faire plaisir. C’est la moindre des choses que je me botte le cul de poule pour sacrifier mon confort au profil de son plaisir. J’aimerais bien qu’il transmette sa passion à P’tit Clown. Ce serait vraiment une belle expérience de famille. Les trois dans la tente aux petites aurores dans les sacs de couchage douillets. J’aime l’idée que mon fils sache apprécier la nature et les plaisirs dont elle regorge comme son père sait le faire.

Le petit poussin sauvage en moi, à dit à Superpapa dès mon retour à la maison, que l’an prochain, c’est un fait établi, nous irons faire du camping. Superpapa est très content de la métamorphose de sa poule. Bon ça me prendra toujours mes toilettes et mes douches pas trop loin… et un spa, et une manucure, et des sushis et, et, et…. Et, surtout, les yeux étincelants de Superpapa quand la tente sera montée dans la forêt sauvage.

Crédit photo : ©Jacme 31 -