Je n’aime pas chicaner mon fils. Chaque fois, je m’en veux de ne pas être plus patiente avec lui. Il joue les grands comédiens avec sa lèvre inférieure qui se bombe, ses yeux qui se mouillent et ses mains qui me défient. Mais moi, je suis bon public. J’embarque dans l’histoire de cet Oliver Twist moderne qui me réclame un caprice de plus. Devant lui, je reste stoïque et je gronde. « Maman a dit non et quand c’est non, c’est non ».
La bouche s’entrouvre, la larme coule, les bras se balancent le long de son corps qui se ramollit encore un peu plus. « Non, si tu continues tu vas aller faire un tour dans le coin, je te préviens ». Ses jambes flanchent, ses os et ses muscles se liquéfient, il n’est plus qu’un bacon sur le plancher. « Bon, c’est le coin et c’est tout ». Le bacon grésille deux fois plus dans mes bras et des cris stridents d’une brûlure profonde qui ne va plus jamais pouvoir s’estomper retentissent de sa bouche. Les larmes coulent à flot.
Une fois dans le coin, le corps serpentin tente de se faufiler de sa prison à coups de promesses et de regrets. « You do the crime, you do the time. Reste là mon tit gars, maman est fâchée ». Il s’agrippe à ma jambe, mon bras, mon orteil, qu’importe tant que je ne le laisse pas dépérir dans le coin reculé. Son corps se contorsionne. Après avoir crié, pleuré, imploré et demandé pardon dans une rivière de doléances, il ne nie plus, il fera (c’est promis!), il a compris (c’est juré!, il sera bon. Le meilleur des petits garçons qui existe entre ciel et terre, avec des yeux de Bambi .
Je reviens le voir au bout de cette éternité que sont deux minutes. À genoux devant lui, je lui demande la leçon. Il répète d’une voix enrouée et encore larmoyante. Je lui fais un câlin. C’est de bonne guerre, mon fils. Ses petites mains s’agrippent à moi. "Ne me laisse plus, maman". Sa tête chaude d’émotions repose dans mon cou. "Protège-moi, maman". Il me regarde avec un sourire qu’il force pour me faire plaisir. "Tu vois que je suis bon, maman". Son nez coule, ses yeux brillent et sa douceur revient dans son étreinte. "Je t’aime, ma maman à moi tout seul".
L’énergie revient en lui et vite il retourne au jeu après s’être soigneusement mouché. Ses yeux se me regardent une dernière fois, brillants de douceur me disant merci de ne pas l’avoir abandonné dans ce coin. "Je ne donnais plus cher de ma peau, mais ton retour m’a sauvé. Comme toujours et pour toujours, tu es la seule qui peut me sauver". Puis, il repart, toutou à la main, ayant tout oublié de la scène. Il n'en reste qu’un vague souvenir au fond du mouchoir. Un court intermède sans importance dans son jeu.
Moi je reste ébranlée, fâchée, triste, amoureuse, médusée et complètement lessivée. Vivement ses trois ans et la fin de ce Terrible Two.
Crédits photo:Dalbera
Il y a 13 heures
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